L’histoire de la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif (CSCCA) remonte à près de deux cents ans. Son ancêtre, la Chambre des Comptes, fut instituée par la loi du 27 juin 1823, sous le gouvernement du président Jean Pierre Boyer. Jusqu’à sa création, dictée par l’augmentation de l’administration entrainée par la réunion de la partie de l’Est, et cela depuis l’indépendance, le contrôle des recettes et des dépenses de l’État était placé sous la responsabilité du Secrétaire d’État des finances.
Loin de constituer un corps distinct, la Chambre des Comptes, plus ou moins calquée sur la Chambre des Comptes de Paris à ses débuts, était formée de sept membres, tous amovibles, nommés à titre honoraire par le président de la République. Elle était chargée principalement de s’occuper de la vérification de tous les comptes administratifs indiqués par le Président d´Haïti ou par le Secrétaire d´État chargé des finances. En support à ce dernier, elle était spécifiquement chargée d’examiner lesdits comptes, de les centraliser et de les apurer afin qu’ils puissent être soumis à la Chambre des communes.
La Chambre des Comptes restera en fonction au-delà de la période de l’occupation américaine qui bouleversa la direction de l’organisation financière du pays par le biais du traité binational signé le 16 septembre 1915. Dans l’intervalle, elle compléta l’organisation financière du gouvernement en donnant des garanties sur la gestion des deniers publics conformément à son cadre légal sans cesse mouvementé dans le même esprit de revoir à chaque fois le processus de nomination des Conseillers, leur nombre et la durée de leur mandat ou l’étendue du pouvoir de contrôle de l’institution. L’évolution du cadre juridique de la Chambre résulte des changements introduits par la constitution et particulièrement par cinq (5) textes de lois dont le premier pris en avril 1826.
La loi du 7 avril 1826 inaugura l’évolution de la Chambre des Comptes. Au-delà de la réduction du nombre de ses membres, passant de sept (7) à cinq (5), elle décréta sa permanence au siège du gouvernement ainsi que le port de l’uniforme des administrateurs principaux par ses membres. Sur son mandat initial, étaient venues se greffer de nouvelles attributions comme : la tenue du double du cadastre des propriétés nationales, la surveillance et la vérification de toutes les opérations concourant au revenu public, le contrôle et la centralisation des mouvements du cabotage, et la préparation à l’intention du Président de la République d’un résumé général de la situation des finances publiques sur une base semestrielle.
En termes de nouveaux pouvoirs, la loi de 1826 reconnut à la Chambre des Comptes la capacité de convoquer des fonctionnaires dans le cadre de ses travaux de contrôle ou de vérification. En outre, ses membres pouvaient se déporter dans les administrations seulement dans des cas extraordinaires mais aussi d’après les instructions du gouvernement. Toutefois, au constat de négligences, des erreurs, lacunes, abus ou prévarications, le rôle de la Chambre se limita à porter l’information à la connaissance du Secrétaire d’État des finances.
En somme, la loi de 1826 ne fit que poser les bases d’une institution qui devait encore se développer pour devenir la Cour Supérieure des Comptes et du Contentieux Administratif.
La loi du 27 mai 1834 , qui intervint sous la même administration, abrogea celle suscitée. Elle maintint la tendance à la réduction des membres de la Chambre des Comptes en les faisant passer à trois (3) dans un souci d’économie. Mais la principale innovation de cette loi réside dans les dispositions de l’article 16 qui reconnut à la Chambre un droit de discipline avec possibilité de recouvrement sur les employés de l’administration des finances, ainsi qu’un pouvoir d’instruction pour les cas graves sur les mêmes.
Quelque important que puisse être le pouvoir disciplinaire accordé, il révèlera que la Chambre des Comptes n’avait encore ni l’autorité ni les moyens nécessaires pour garantir la régularité des comptes publics.
À la faveur de la constitution du 30 décembre 1843, la Chambre des Comptes devint un organe constitutionnel dont la composition est rétablie à cinq (5) membres nommés par le Président de la République et révocables à sa volonté. Cependant, remplacée par la Cour des Comptes par la constitution impériale du 20 septembre 1849, elle sera rétablie comme elle était prévue par la constitution de 1846, laquelle est remise en vigueur le 22 décembre 1858, et modifiée à deux reprises en 1859 et 1860. Elle reprendra le nom de Chambre des comptes avec la Constitution de 1867. Cependant, il reste le fait que l’institution dans sa dénomination actuelle n’est pas mieux connue à travers le pays sous aucun autre diminutif que la « Cour des Comptes ». La démission du président Fabre Geffrard, le 13 mars 1867, suite à une vague de conspirations, donna lieu à une période d’instabilité gouvernementale provoquant la formation d’une assemblée constituante conduisant à la nouvelle constitution du 14 juin 1867 . En son article 182, cette constitution non seulement rétablit la composition de la Chambre des Comptes en la refixant à sept (7) membres, mais aussi transféra au Sénat de la République les prérogatives de la nomination de ces derniers jusque-là réservées au président de la République. L’article 183 qui définit sa mission prévoyait entre autres que le compte général de l'État est soumis aux Chambres avec les observations de la Chambre des Comptes. La loi organique du 24 décembre 1867 n’intervint que pour aménager une application partielle de ces dispositions, qui marquèrent un pas important vers l’indépendance de ladite Chambre.
Portant modification de la loi suscitée, la loi du 16 septembre 1870 se proposa non seulement de mettre les attributions de la Chambre des Comptes en conformité avec la constitution mais aussi de rendre plus efficace l’exécution de sa mission. À cet effet, elle fixa à quatre (4) ans la durée du mandat des sept (7) membres devant être élus par le Sénat, et consacra la nomination du président de la Chambre annuellement au scrutin secret par la Chambre elle-même. Dans cette logique, elle habilita l’institution à décider également du choix de ses employés. Les fondements de l'inamovibilité de ses membres, déclarés aussi indéfiniment rééligibles, furent ainsi posés.
Sur le plan d’indépendance de la Chambre des Comptes, ces nettes avancées ne firent aucun doute. Cependant, les lignes de la surveillance paternelle qui lui étaient jusque-là reconnue ne bougèrent pas pour autant vers l’élargissement du pouvoir disciplinaire précédemment introduit. Ce qui ouvrirait la voie vers le pouvoir juridictionnel avec des membres en tant que juges des Comptes. En effet, l’institution était, par la loi du 16 septembre, seulement tenue de faire une dénonciation à des fins de publication officielle, au constat de simples dommages causés à l’État.
Deux lois additionnelles respectivement à celle sur la Chambre des Comptes (17 septembre 1870) et à celle sur la responsabilité des fonctionnaires et employés de l’administration (26 août 1870) furent définitivement adoptées à la date du 15 août 1871. Si la première n’intervint que pour organiser au sein de la Chambre une Section de surveillance et de vérification des opérations des douanes de la République, la seconde apporta des prescriptions additionnelles quant à la responsabilité des fonctionnaires dans le cadre de leur gestion. Astreignant les fonctionnaires à des délais dans le cadre de la reddition de Comptes, ces prescriptions furent envisagées en vue d’obtenir une garantie plus complète pour les intérêts de la société, que la Chambre des Comptes était appelée à surveiller.
La loi en question est vieille de cent cinquante ans. Alors qu’elle n’a jamais été modifiée, elle est toujours en vigueur. Tel qu’il est libellé, son titre est assez évocateur d’un problème récurrent : le refus ou la négligence des fonctionnaires de communiquer les pièces comptables de leur gestion. Avec une place régulière parmi les visas de plusieurs lois ou décrets dont celui du 23 novembre 2005 portant organisation de la CSCCA, elle demeure un texte applicable. Cela dit, il faut absolument dépoussiérer cette loi, qui conserve malgré sa lointaine origine toute sa pertinence. Elle peut être consultée via le lien suivant : loi du 15 août 1871 sur le refus ou la négligence des fonctionnaires de communiquer les pièces comptables de leur gestion .
Les réformes constitutionnelles induites par les soubresauts politiques affectent la plupart du temps la Chambre des Comptes. Jusqu’à 1946, huit (8) nouvelles constitutions sont entrées en vigueur, prévoyant toutes différemment la Chambre des Comptes sauf celles de 1918 et 1935. Plongée dans la léthargie de sa réorganisation, elle fut supprimée par la constitution de 1918. Son rétablissement par celle de 1932 n’augura rien de durable; la nouvelle charte de 1935, successivement révisée en 1939 et 1944, n’en fit aucun cas. Celle du 16 décembre 1888, quoique à brève échéance, fut la plus élaborée de toutes. Par son avènement, l’élection des sept (7) membres prévus, qui avaient obtenu le droit d’entrée au parlement, devenait une prérogative de l’assemblée nationale. Cependant la constitution du 9 octobre 1889, qui avait rétabli le Sénat dans son ancienne prérogative d’élire les conseillers, restait en vigueur pendant près de trente ans. Le nombre de conseillers était pour la première fois porté à neuf (9).
Le retour de la Chambre des Comptes, après sa suppression depuis 1918 , date de la constitution du 15 juillet 1932.Cependant, c’est celle du 22 novembre 1946 qui marque la dernière référence constitutionnelle de la Chambre des Comptes. La composition de la Chambre était fixée à sept (7) membres devant être élus par la chambre des députés sur la proposition du Sénat. Au-delà de l'apurement des comptes, son mandat constitutionnel incluait : l'étude de la légalité des dépenses ainsi que l'étude de tous les projets de contrat devant lier l'État.
La loi du 23 juin 1947 La dernière loi d’application de la Chambre des Comptes remonte au 23 juin 1947. Les changements introduits portèrent particulièrement sur la définition de nouvelles attributions ainsi que des conditions de la mise en jeu de la responsabilité des Conseillers. Sous l’égide de cette loi qui resta en vigueur jusqu’en 1950, la Chambre des Comptes aura complété plus d’un siècle et dix ans d’existence compte tenu de la période de suppression (1918-1932). Avec plus de quatre-vingt-dix ans au compteur, elle était déjà proche d’une institution centenaire au moment de sa suppression. Les gouvernements successifs ont su, au fil du temps, l'adapter aux réalités changeantes de la société. En fait, elle a su faire du chemin pour s’affirmer et jouer son rôle en dépit des convulsions politiques ou des changements de régime.
La Chambre des Comptes occupait, en son temps, une place de choix au sein du paysage institutionnel de la République. Aussi est-elle digne de figurer sur la liste du patrimoine national des institutions d’envergure nationale les plus stables, et qui firent de la fonction publique une vraie carrière.
Les nouvelles constitutions apportent toujours un certain nombre de changements. Celle du 25 novembre 1950 consacra entre autres la suppression de la Chambre des Comptes (Article « D »), et la mise en place d’une Commission interparlementaire de quinze (15) membres dont neuf députés et six sénateurs (Article 144). Cette Commission bicamérale fut spécialement chargée de rapporter sur la gestion des secrétaires d’État en vue de permettre aux deux assemblées de leur accorder ou de leur refuser décharge. Dans ce cas précis, il s’agissait d’un changement mais non d’une responsabilité parlementaire nouvelle. Le principal objectif est de veiller à ce que les ministres demeurent imputables de leurs responsabilités devant le parlement. Cependant, la Chambre des représentants des communes s’acquittait déjà de cette responsabilité, avant même la création de la Chambre des Comptes .
Il fallut attendre sept (7) ans plus tard pour voir jeter les bases d’une nouvelle institution dans le sillage de la Chambre des Comptes. La Cour Supérieure des Comptes fut donc instituée par le décret du 23 septembre 1957 édicté par le Conseil militaire de gouvernement Au terme des dispositions de l’article 1 : « Il est créé dans le cadre de l'Administration haïtienne un organisme dénommé: « Cour Supérieure des Comptes » composé de cinq conseillers nommés par arrêté du Président de la République pour une durée de sept ans. »
Dès sa création, la Cour Supérieure des Comptes avait un mandat des plus étendus dans l’objectif de renforcer le contrôle des recettes et dépenses de l’État, et d’organiser le contentieux administratif. Les principales innovations du décret concernent particulièrement : le statut d’organisme autonome de la Cour, la naissance de l’ordre juridictionnel administratif, la participation à l’élaboration des lois ou arrêtés en matière budgétaire, fiscale ou bancaire, l’examen périodique des bilans des institutions financières privées, l’inspection des budgets des collectivités locales, la fonction de consultation obligatoire sur les réformes intéressant la structure et le statut organique de l’Administration publique, la création d’une Section en vue du contrôle des institutions financières.
En outre, le décret du 23 septembre 1957 abrogea particulièrement l’article 4 de la loi du 16 septembre 1953 sur le Département des Finances.Il en résulta d’autres innovations telles : le contrôle formel des engagements de dépenses par l’Inspection Générale des Finances via des comptables délégués, la transformation de l’Inspection des finances rattachée au Département des Finances en Section de l’Inspection des Finances de la Cour et l’introduction de la fonction du contentieux administratif.
Entre autres particularités, le décret suscité fixa à dix (10) jours le délai accordé aux comptables des deniers publics en recettes et dépenses pour fournir à la Cour Supérieure des Comptes leurs comptes pour chaque mois. En cas de défaut ou de retards non justifiés, il revenait à la Cour de recommander au Secrétaire d’État des Finances les sanctions administratives à prendre(Article 8).
Trois mois plus tard, la Cour Supérieure des Comptes devint un organe constitutionnel à la faveur de la promulgation de la constitution du 19 décembre 1957. Comme pour signifier que son mandat a été défini avec empressement, des changements significatifs y furent introduits.En fait, la fonction contentieuse lui fut retirée ainsi que l’essentiel des autres attributions qui lui étaient confiées trois mois plus tôt.Conséquemment, elle ne devait s’occuper que du contrôle administratif et juridictionnel de toutes les dépenses et recettes de l'État, en plus de l’exercice d’une fonction consultative sur toutes les questions relatives notamment à la législation sur les finances publiques (Article 146), et de la préparation du rapport devant accompagner les comptes généraux soumis au Parlement (Article 149).
Rebaptisée « Commission Parlementaire des Comptes Généraux » par la constitution de 1957 (Article 147), la Commission interparlementaire précédemment introduite fut maintenue dans sa composition initiale pour s’acquitter de la même mission. Ce faisant, la nouvelle constitution confirma les limites du pouvoir juridictionnel de la Cour sur une catégorie de fonctionnaires ou d’agents publics, ainsi que le contrôle direct du Parlement sur la gestion des membres du gouvernement.Ce contrôle parlementaire, qui a toujours existé comme indiqué précédemment, est devenu une tradition. Il rentre dans le cadre des prérogatives des chambres aux fins d’accorder ou de refuser la décharge aux secrétaires d’État.Deux ans plus tard, la Cour Supérieure des Comptes fut rétablie dans ses attributions initiales ainsi que dans ses moyens d’action par le décret du 21 janvier 1959 modifiant celui du 23 septembre 1957.Ce décret qui avait redéfini la Cour comme organisme autonome maintenait à cinq (5) le nombre de Conseillers, alors que la durée de leur mandat était passée de sept (7) à cinq (5) ans.
De 1959 à 1983, le cadre légal de la Cour Supérieure des Comptes ne fut amendé qu’à deux reprises dans le seul but de modifier la composition du Conseil. Par le décret du 27 décembre 1963, il était amputé d’un membre c’est-à-dire qu’il était réduit à quatre (4) membres et, par celui du 7 juillet 1971, il était de nouveau porté à cinq (5) membres.
La Cour Supérieure des Comptes a été créée sur les ruines de la Chambre des Comptes avec une architecture et un pouvoir de contrôle reflétant une grande vision. Inscrite sur le long terme, cette vision charriait les lignes directrices de l’organisation de la Cour des comptes contemporaine, en tant qu’un organisme autonome chargé d'assurer le contrôle des recettes et des dépenses de l’État, et de veiller à la bonne marche de l'Administration publique.
La vision précédemment décrite de la Cour Supérieure des Comptes ne semblait souffrir d’aucune ambiguïté sous le régime de la présidence à vie instauré, en 1964, par François Duvalier, alors au pouvoir depuis 1957. Référant à ce qui pourrait être considéré comme une « période de stabilité politique », le cadre légal de la Cour Supérieure des Comptes ne fut l’objet que des deux (2) changements susmentionnés jusqu’en 1983. Avec l’avènement de la constitution du 27 aout 1983, la Cour Supérieure des comptes allait connaitre une dernière transformation majeure.
Élevée au rang d’un organisme indépendant au même titre que l’Université d’État d’Haïti, elle devient la Cour Supérieure des Comptes et du contentieux administratif (CSCCA), telle qu’on la connait aujourd’hui (Article 154). Cette nouvelle dénomination de la Cour reflète le nouvel aspect de son mandat relié au contentieux administratif. La mutation subie confirma la volonté politique d’adapter la Cour Supérieure des Comptes à l’évolution des institutions politiques et administratives de la République. Il appert que les prérogatives reconnues à ces institutions peuvent porter à commettre des abus, sources de divers litiges ou conflits administratifs devant être tranchés en toute équité. Dans le contexte de la grande réforme initiée, en 1982, le principal moteur de cette mutation est une institution résolument tournée vers l’avenir .
La Constitution de 1983 dispose que la CSCCA est une juridiction financière et administrative indépendante, chargée du contrôle administratif et juridictionnel des recettes et dépenses de l’État, de la vérification de la comptabilité des organismes autonomes ainsi que celles des collectivités territoriales. Elle connait en dernier ressort des litiges mettant en cause l’État et les collectivités territoriales, l’administration et les fonctionnaires publics, le service public et les administrés. Elle comprend une section du contrôle financier et une section du contentieux administratif. Ses membres sont nommés par arrêté du président pour dix (10) ans et sont inamovibles pendant la durée de leur mandat (Article 155).
En application de la constitution en vigueur,le décret pris en date du 4 novembre 1983 porta organisation et fonctionnement de la CSCCA.Fixant à un maximum de dix (10) conseillers le nombre de membres du Conseil de la Cour, ce décret définit aussi très clairement les attributions administratives et juridictionnelles de l’institution (Article 4). Il institua également les deux principaux organes de la Cour : le Conseil de la Cour et la Cour, qui comprend : une chambre des affaires financières, une chambre des affaires administratives, un auditorat et un greffe (Article 17). Tout cela est complété par l’établissement de la procédure à suivre en matière contentieuse.
Sous l’égide de la constitution de 1983, l’organisation de la CSCCA apparaissait déjà plus ou moins aboutie.En effet, les fondements de l’indépendance et de l’inamovibilité essentielle à la fonction des conseillers en tant que juges étaient déjà posés. En principe, ces derniers étaient appelés à connaitre en dernier ressort, en tant que membres d'une Cour souveraine compétente, différents types de recours sur le plan juridictionnel.
Il convient de souligner un changement majeur qui marqua un tournant fondamental dans la reconfiguration du régime juridique national. La création de la nouvelle juridiction administrative coiffée par la CSCCA était établie parallèlement à la juridiction judicaire coiffée par la Cour de cassation. À l’avènement de la nouvelle constitution de 1987, promulguée dans la foulée des évènements post 1986, l’unicité du régime juridique national a été rétablie.
Traitant de la CSCCA, la constitution de 1987 dispose en son article 200.2 : « Ses décisions ne sont susceptibles d'aucun recours, sauf de pourvoi en cassation. »Par là même, cette constitution a mis un terme au régime juridique dual consacré quatre (4) ans plus tôt. Autrement dit, le pays est revenu à l’unicité de juridiction depuis l´adoption de cette constitution.
Dans la foulée de la réforme sans précédent entreprise par le gouvernement provisoire Alexandre-Latortue (2004-2006), plus d’une cinquantaine de décrets furent adoptés . C’était une solution pour sortir de l’impasse législative dans laquelle se trouvait le processus d’encadrer certains secteurs, de créer de nouvelles structures ou d’adapter certaines autres. Dans cette logique, plusieurs textes datant de 1982-83 ont été revisités. À cet égard, le décret 23 novembre 2005 modifiant celui du 4 novembre 1983 porte organisation et fonctionnement de la CSCCA. Il fait l’objet d’un survol dans les pages suivantes.
Parlant des conséquences de cette réforme insoupçonnée, elle emportait pour ainsi dire l’une des attributions historiques de la Cour : le contrôle des engagements des dépenses dit contrôle à priori . Au départ, l’Inspection Générale des Finances fut créée à la Cour Supérieure des Comptes.Dès sa création, en 1957, l’Inspection des Finances rattachée au Département des Finances devint la Section de l’Inspection des Finances de la Cour Supérieure des Comptes. Jusqu’en 2005, la Direction du Contrôle des Comptes de la CSCCA assumait légalement les fonctions de contrôle à priori qui lui étaient dévolues.
Longtemps débattue, la question de la séparation des fonctions de contrôle à priori et à postériori exercées par la Cour a toujours été posée.Finalement, l’urgence pour le Pouvoir Exécutif de disposer de sa propre structure d’investigation interne imposait le rapatriement des fonctions de contrôle à priori au Ministère de l’Économie et des Finances par la création d’un nouveau Service Technique Déconcentré : l’Inspection Générale des Finances (IGF).
Créée par le décret du 17 mars 2006, l’IGF a entre autres pour mission de vérifier, contrôler, assurer l'audit technique, administratif, financier et comptable à priori et à posteriori sur l'ensemble de l'Administration Publique Nationale. Les obligations de contrôle ou d’audit interne découlant de cette réforme regorgent d’attentes de la part d’un public de plus en plus intéressé dans le contexte d’une administration de qualité.
L’IGF est née de la dernière réforme de la gouvernance publique dont la mise en œuvre traduit la volonté manifeste des autorités administratives d’initier une culture de l’évaluation et de la responsabilité au sein des administrations publiques. La juridiction de vérification interne, qui lui est attribuée sur toute l’Administration, donne lieu à une nouvelle architecture qui doit être confirmée sur le lieu de travail
Les organisations de vérificateurs, qu’elles soient internes au Pouvoir exécutif ou indépendantes avec des mandats ou des responsabilités différentes, poursuivent le même objectif : promouvoir la saine gestion publique. Le contrôle de l’IGF servira ainsi de base au contrôle juridictionnel de la Cour, dont les rapports d’audit fourmillent de recommandations qui appellent le plus souvent à la mise en place d’un système de contrôle efficace
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